À moitié vide

moitieVide_couv_OK - plat1Grasset, Paris, 2009.
Sélection Prix des Collégiens du Doubs 2009

Le sujet

Quand Violaine découvre un sms amoureux sur le portable de son père et qu’elle prend conscience que ce message n’a pas été envoyé par sa mère, sa vie est bouleversée et, désormais, elle se sent à moitié vide. Pour survivre, elle se met à manger. Le père qu’elle aimait les quitte et Violaine, son petit frère et sa mère apprennent à vivre avec son absence et à reconstruire leur quotidien.

La séparation des parents est un sujet délicat qui concerne de nombreux adolescents. Ce roman est un outil pour ouvrir à des débats en classe. Il peut être lu dès la 2ème année secondaire (la 5ème en France).

Je me couche sur mon lit, ferme les yeux, écoute aller et venir en moi cette marée d’émotions.   Tout ce qui nous arrive, même le pire, finit toujours par passer. Ce n’est pas ma tête qui me parle, ce sont mes cellules, quelque chose de vrai, de fort.   Pendant un moment, tout me paraît dérisoire, inutile, mais la sensation de libération s’échappe dès que je veux m’y accrocher.   Et les pensées lourdes reviennent.   Mon frère, ma mère et l’autre.   Et cette chatte de Sylvia avec lui.   Les images arrivent qui ravivent le malheur : j’imagine qu’il l’embrasse, qu’il la lèche, comme elle dit.   Lui, c’est l’homme qui a participé à ma venue sur Terre et elle, cette salope, c’est qui ?   Qui ?

La paix s’est envolée et l’oppression est revenue, plus forte, peut-être, plus aiguë, mais moins profonde.   Encore une fois, je ne peux pas expliquer ce qui m’arrive.   Même si je me sens malheureuse, je sais qu’au-delà de mon malheur, il existe un autre monde.   Où n’existe que la vie, où l’on n’a pas besoin de fuir les coups parce que les coups n’existent pas.   Je demeure couchée sur mon lit pour que ne s’évanouisse pas cette impression étrange de plénitude derrière le désastre.   Ma mère s’active de l’autre côté de la porte; j’entends ronfler l’aspirateur.   Mon frère écoute sans doute de la musique dans sa chambre. Si mon père était assis dans le salon avec un journal dans les mains, tout serait normal.   Nous redeviendrions une véritable famille, mais monsieur n’est pas là, chez sa maîtresse peut-être, à lui faire des mamours et à lui promettre monts et merveilles.   «Oui, ma chatte, je vivrai avec toi dès que je me serai débarrassé de cette femme que je n’aime plus et des deux mômes qui l’accompagnent, oui, ma chatte, nous ronronnerons ensemble pour toujours, approche-toi donc que je t’embrasse, tu sais que tu es à peine plus âgée que ma fille ?»

Putain, faut débrancher, Violaine !   Mon imagination me file des idées noires et des boutons.   Sa Sylvia a trente-cinq ans, il me l’a dit : il est donc tout à fait inutile que je fabule.   C’est comme ça qu’on se rend malade; en construisant des châteaux de cartes qui ne résisteront pas à un éternuement du réel.

pp.94-96

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