Chloé VARIN, Une Cendrillon engluée dans le goudron, LE JOURNAL DE MONTREAL, 27 juin 2009.

Une Cendrillon engluée dans le goudron

L’auteur d’origine belge Frank Andriat s’éclipse avec brio derrière la verve spontanée de Mélanie, une adolescente de quinze ans pour qui la vie est plutôt «noir goudron».  Mélanie Bertrand est l’héroïne de Rose bonbon, noir goudron, un roman-bonbon à saveur de Tabasco.  Récit sucré aux notes acidulées.

Selon Mélanie, «on est con et sans nuances à tout âge de la vie et seuls quelques-uns font exception et sont des gens bien.» L’adolescente est meurtrie par la froide indifférence qui sévit à la maison, où sa mère et son père (alias l’abominable Barbe Bleue) se livrent une guerre silencieuse et sournoise depuis ses tristes années d’enfance.  La vie de Mélanie est terne et décevante.  Et les commentaires incisifs de Mme Baratinto, la prof de physique, tout comme les blagues méprisantes des «crétosaures» de sa classe ne sont que des épines supplémentaires plantées dans la carapace qu’elle s’est formée au fil des ans.  Depuis le jour fatidique où sa mère a oublié son neuvième anniversaire, Mélanie n’est plus la même personne. La fillette naïve qu’elle était s’est transformée en une adolescente froide et désabusée qui se referme sur elle-même de peur d’être à nouveau égratignée par la vie.  Après tout, à quoi bon s’ouvrir aux autres, puisque «l’amour, c’est un coup de chaleur qui annonce l’orage» ?

Contre toute attente, un psychologue réputé bouleversera la philosophie de vie de Mélanie lors d’une conférence donnée à son lycée.  Les révélations que Mélanie y entendra teinteront son quotidien d’une positivité toute nouvelle, couleur «rose bonbon».

Grâce à Robert Littré, ce psychologue affublé d’un nom de dictionnaire, elle redécouvrira la signification profonde d’un mot aussi simple que «bonjour».  Surtout, Littré lui inculquera une vérité déstabilisante : l’amour est à la portée de tous, et elle aussi mérite d’être aimée.

En réalisant que l’indifférence sème l’indifférence, Mélanie ouvrira une brèche dans sa carapace pour y laisser filtrer l’amitié et, qui sait, peut-être même l’amour.  Parions qu’elle ne sera pas déçue…

MONOLOGUE INTÉRIEUR

Frank Andriat signe un récit poignant mais jamais fleur bleue, où l’adolescence revêt des allures de contes de fées souillés au bitume.  Écrit à la manière d’un monologue intérieur, Rose bonbon, noir goudron se lit vite et éveille un torrent d’émotions contradictoires au fil du cheminement personnel de l’héroïne.  Mélanie, infiniment attachante, surprend par ses actes spontanés qui ne manqueront pas d’ébranler le lecteur, tout en le ramenant à une réalité parfois crue, mais souvent belle.

Tel un tsunami d’espoir qui déferle sur le Québec, le roman franco-belge Rose bonbon, noir goudrons’impose comme un récit incontournable pour tous les écorchés qui traversent péniblement l’adolescence, mais aussi pour tous les lecteurs et lectrices en quête d’une découverte littéraire poignante.

Chloé VARIN, Le Journal de Montréal, samedi 27 juin 2009.

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