Là-bas en Afghanistan

Collectif, Bernard Gilson Éditeur, Bruxelles, 2010.

Je me souviens du petit coup de sonnette, de la frimousse à la porte, les yeux pleins de curiosité et d’audace : « Madame, je viens de la part de mon professeur et de mes camarades de classe parce que nous aimerions avoir un dvd de votre film documentaire ».
Puis vinrent les échanges par mails, les coups de téléphone au travail, à la maison, les photos partagées : «Regardez, ce sont mes élèves sur la photo de classe, ils sont sympas, vous ne trouvez pas ?» Il y a des professeurs qui vous marquent pour la fin de vos jours, qui, par une phrase, des images, changent votre destinée, la dessinent d’un trait lumineux, là où il n’y avait que doutes, interrogations et parfois découragement… Chaque rencontre nous modifie, nous enrichit, certaines plus que d’autres. Il est de ces personnes à qui l’on aimerait confier un fils, une fille en pleine crise d’adolescence, Frank Andriat en fait assurément partie. Parce qu’il a su tirer le meilleur de ses élèves, en les ouvrant à un ailleurs, ce « là-bas » qu’ils décrivent avec toute la violence, la pureté et la force de leur âge.
Au-delà de l’expérience, de la beauté des mots et de la narration, ces textes ont surtout le mérite de nous ouvrir les yeux sur nous-mêmes, sur notre société, sur les médias et leur façon finalement très « subjective » de relayer une information, sur les clichés qu’ils suscitent dans l’imaginaire des adultes de demain. La plupart des récits parlent de mort, de torture, de guerre, d’attentat, d’amour et de vies brisées… Si cette triste réalité reflète en partie le quotidien des Afghans, j’aurais pourtant le cœur serré à leur montrer ces textes, car je sais combien ils aspirent à autre chose, à une vie meilleure, pleine d’espoir pour l’avenir, je sais combien ce regard noir les blesse et les humilie lorsque l’on parle de leur pays, comme d’une région maudite, « oubliée de Dieu ». Je sais que si l’on devait demander le même exercice à de jeunes Afghans dans une classe d’école aussi rudimentaire soit-elle, ils parleraient d’amour, de cerf-volant, du vol des pigeons blancs de Kaboul, de la fête de Nowrouz qui célèbre le printemps. Je sais qu’ils éviteraient consciemment ou inconsciemment de parler de ces fous de Dieu qui ont semé la mort durant des années à travers tout le pays en brisant des familles entières, en condamnant le futur de milliers de petites filles. Parce que rien, aucune barbarie, aucune dictature ne peut empêcher un enfant de rêver, parce que la vie est plus forte que la mort, surtout quand on a quinze ans.
Que les adultes entendent le cri poussé par l’une d’entre vous ! Il résonne en moi comme la promesse d’un monde meilleur : « Je ne peux plus supporter d’être inutile aux autres ». Laissez-moi rêver un instant que cet échange se réalise, que vos textes trouvent un écho « là-bas » et qu’il y ait, au bout, un véritable échange.

Hadja LAHBIB

Les auteurs de Là-bas en Afghanistan.

Les auteurs de Là-bas en Afghanistan.

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