Monsieur Bonheur

Memor, Bruxelles, 2003.
Réédition chez Mijade, Namur, 2007.

En 2003, sept ans après la publication de La remplaçante, Frank Andriat offre à ses lecteurs un nouveau roman dont Raphaël est le héros. Sans être une suite de La remplaçante, Monsieur Bonheur plonge à nouveau dans l’univers scolaire que l’auteur connaît bien.

Le sujet

Raphaël a grandi. Cette année, ni mademoiselle Laurent ni madame Grivet ne sont là pour nourrir ses fantasmes et sa colère. Un homme étrange a pris leur place : monsieur Bonheur.

Il est zen, doux et à l’écoute des élèves qui lui sont confiés. «Trop parfait pour être honnête», songe Raphaël qui décide de mener son enquête. Celle-ci le conduira de surprise en surprise : d’une superbe blonde au nombril affolant à une dangereuse escapade en solitaire, d’émois amoureux à un douloureux accident.

Un roman sur les thèmes de la confiance en soi et du dialogue entre générations qui est lu dans les classes à partir de la 1ère secondaire. (6ème en France)

Je n’en reviens pas encore.   Monsieur Bonheur est un mage et, sûr, il m’a jeté un sort pour que je craque aussi subitement devant lui.   J’arrive à la maison complètement chamboulé.   Sa question me tourne sans cesse dans la tête : «As-tu confiance en toi, Raphaël ?   As-tu confiance en toi ?»   Il faut que j’en parle à quelqu’un, mais, malheureusement, ma mère n’est pas là.   Il n’y a qu’Anne-Laure, roulée en boule devant une émission débile à la télé.   Je ne peux pas me retenir.   Je lui demande :

— Anne-Laure, as-tu confiance en toi ?

Elle tourne la tête, me regarde d’un drôle d’air et me répond :

— Ben oui, pourquoi me demandes-tu ça ?

J’en suis abasourdi.   À onze ans, c’est sans doute plus facile.   On n’a pas encore été confronté aux dures réalités de l’adolescence et on ne s’est pas encore demandé pourquoi on est sur Terre.

— Eh, Raph, je t’ai posé une question !   T’as fumé la carpette ou quoi ?

Il n’y a plus d’enfance !   Est-ce que j’aurais sorti une phrase pareille à onze ans, moi ?   Je regarde ma soeur pendant un moment sans pouvoir prononcer une parole, je hausse les épaules et, pour me venger d’elle, je lance :

— Regarde plutôt ton feuilleton débile !   Tu t’adresseras aux grands quand tu auras mûri.

— Crétin ! me rétorque-t-elle au moment où je quitte la pièce en claquant la porte.

Je monte dans ma chambre. Décidément, rien ne fonctionne plus.   Qu’est-ce qui m’a pris d’aller parler à monsieur Bonheur ?   Dès qu’on commence à se poser des questions, on prend un aller simple pour les galères.   Et si l’on ne s’en pose pas, on vit comme un con.   Pour se calmer, le truc de ma mère, c’est de s’asseoir en lotus devant une bougie et de se laisser traverser «par les énergies régénératrices de l’univers», comme elle dit.   Ouais.   Les rares fois où j’ai essayé, je me suis endormi.   Et si je tentais à nouveau le coup ?   Un petit roupillon n’a jamais causé de tort à personne.

Monsieur Bonheur,   pp. 54-55

© Éditions Memor,   2003.

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