Akira MIZUBAYASHI

Cher Akira Mizubayashi,

 

          Parler de votre écriture, c’est avant tout vivre une rencontre émerveillée avec le silence et avec la musique. Vos livres, romans et essais, sont des concertos finement ciselés qui conduisent, avec grâce et clarté, avec justesse et élégance, vos lecteurs à découvrir, dans les blancs de leur lecture, une émouvante mélodie, celle de votre vie qui se décline dans la lumière. Pour partager votre histoire personnelle – les moments heureux, les enthousiasmes, l’amour, la mort, les ombres, les fêlures, les colères et les doutes qui vous ont accompagné –, vous utilisez, avec une rare virtuosité, un instrument étranger, la langue française, votre langue paternelle, celle qui vous a libéré des diktats du japonais, celle qui vous a offert la liberté, l’audace et la transparence qui vous manquaient dans votre langue maternelle.

          Cher auteur japonais d’expression française, cher écrivain français d’impressions japonaises, vous célébrez avec une langue venue d’ailleurs de si justes et harmonieuses noces que j’ai peur de commettre, dans cette lettre, une dissonance, – un inconcevable Au revoir, monsieur alors que je m’adresse à une demoiselle –, mais je le sais, cher Akira Mizubayashi, vous me pardonnerez, car, dans vos livres, il y a tant d’amour et de bienveillance que les disharmonies en sont chacune corrigées.

          Cher ami de Rousseau, cher frère cadet de Mozart, cher prétendant transi d’une Suzanne éternelle, cher enseignant fidèle à la beauté et aux Lumières, vous offrez, dans vos œuvres, un peu de votre âme amoureuse. Vos mots ne sont pas vides, ils sont reliés et ils permettent à vos lecteurs de se retrouver : votre intimité rejoint la leur, en un souffle ténu, en un murmure passionné et fragile. Lorsque vous rendez hommage à Mélodie, tendrement aimée, lorsque vous faites l’éloge de l’errance qui vous a conduit à mieux vous comprendre, lorsque vous déclinez l’amour, la maladie et la mort, lorsque, malgré l’horreur des coups de bottes qui l’ont brisée, vous ressuscitez l’âme d’un violon et la vie d’un père aimant et héroïque, lorsque, tout simplement, vous célébrez notre belle langue française, vous rendez grâces, Akira-san, et vous aimez.

          Tant d’écrivains utilisent leur langue comme une langue morte, habitués à planter des mots, parfois somptueux certes, au fil de leurs histoires sans réellement les habiter : ils créent, avec une prétentieuse indifférence, de brillants romans remplis d’absence. Mais vous, avec une exigence quasiment olympique, avec une spartiate attention et parce que le français n’est pas l’instrument dans lequel vous êtes né, vous savez que chaque mot posé sur une feuille est une innocence qui ne peut être blessée, une note qui se doit de sonner juste, qu’un mot, pour exister, doit être habité, aimé, respecté, reconnu. Lorsque vous parlez de Rousseau, vous êtes Rousseau. Lorsque vous écoutez Mozart, vous devenez Mozart. Lorsque vous écrivez en français, vous êtes le français et nous, lecteurs, devant vos livres savoureux et si justement composés, nous ne pouvons, avec une incroyable reconnaissance et une profonde émotion, que nous recueillir et vous rendre grâces à notre tour.

 

Frank Andriat

Les livres d’Akira Mizubayashi, Une langue venue d’ailleurs, Mélodie, Petit éloge de l’errance, Un amour de Mille-Ans, Âme brisée sont publiés dans la collection Folio.

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