André-Paul DUCHÂTEAU (1925-2020)

Mon cher André-Paul,

 

          Au lendemain de ton décès, ce 27 août 2020, sous un ciel qui pleure, je t’écris cette lettre, submergé de tristesse. De tendresse aussi, celle que, pendant plus de vingt ans d’amitié, tu m’as offerte, celle qui s’exhalait de toi : ta générosité et ta gentillesse étaient unanimement reconnues. Tu n’étais pas de ceux qui ont le talent égoïste, tu partageais, tu donnais, tu accueillais.

          Je me souviens de notre première rencontre à la RTBF, moi, le jeune auteur, toi, le grand, celui qui me faisait rêver quand j’étais enfant et dont je collectionnais les aventures de Ric Hochet, je me souviens de notre conversation joyeuse à propos de l’athénée Fernand Blum où, à des époques différentes, nous avons poursuivi nos études et où j’étais devenu professeur. Sympathie, désir de nous revoir, rencontres avec mes élèves et projet d’un roman à quatre mains, qui se déroulerait à Blum, comme ton premier livre, Meurtre pour meurtre, écrit dans cette même école quand tu avais quinze ans et édité par un maître du genre, Stanislas-André Steeman.

          En vingt ans, nous avons rédigé quatre romans ensemble et, chaque fois, ce fut une fête. Des instants partagés, fulgurants, joyeux, des intrigues à ficeler, une complicité dynamique et cette manière que tu avais d’être toujours à l’écoute : une collaboration véritable, baignée d’élégance et de délicatesse. Tu n’avais pas de mail, tu m’écrivais de vraies lettres tracées d’une écriture nerveuse et chaloupée sur des feuillets parfois très fins. Nous pouvions passer de longs moments au téléphone où nous brodions nos histoires, où nous parlions du monde, où tu t’effarais des égoïsmes qui régissent la planète. Tu te tenais au courant de tout : ta lucidité, ton enthousiasme, ta voix de jeune homme me faisaient oublier qu’entre nous, il y avait trente-trois ans de différence.

          La presse, qui te rend hommage, dit combien tu es un grand auteur, parle des centaines de milliers de lecteurs que tes scénarios et tes romans ont fait et font rêver de par le monde ; les journaux racontent ton côté gentleman. Tout cela, je l’ai vécu dans mon cœur, car nous étions amis. Merci, cher André-Paul, merci. Lors de notre dernière conversation au téléphone – c’était le 18 juillet – quand j’allais raccrocher, parlant d’Évelyne et de moi, tu as dit « Je vous aime. » Ce sont les mots ultimes que tu m’as adressés, ceux qui te résument. Nous devions nous revoir en août, tu nous avais invités à partager un repas chez toi : le coronavirus, les « bulles » de cinq personnes, ta santé devenue fragile, la prudence m’ont fait postposer la rencontre. Hélas !

          Désormais, cher complice, cher ami doux et tendre, nous nous côtoierons autrement, dans l’invisible des liens qui persistent. L’amitié ne meurt pas, elle se cultive et elle grandit. « Nous aussi. » t’ai-je répondu, ce jour-là. Oui, mon cher André-Paul, nous aussi, nous t’aimons.

 

Frank

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