Frank Andriat : «La littérature est proche de la vie!»
Frank Andriat a publié de nombreux livres, dont certains ont rencontré un immense succès auprès des adolescents. Il avait 18 ans lors de la sortie de son premier texte. Aujourd’hui, à 41 ans, il n’a rien perdu de sa passion d’écrire.
Rencontre avec l’auteur de La remplaçante (Ed. Memor) et de L’amour à boire (Ed. Labor).
Mag. Écrire, c’est être généreux ?
Frank Andriat. Tout à fait ! J’écris pour partager la vie, pour dire mes enthousiasmes et mes révoltes, pour communiquer. L’écriture ne doit pas être égoïste. Il n’y a aucun intérêt à admirer son propre nombril et à créer des variations littéraires dessus. L’écrivain est un privilégié qui, pour moi, a le devoir de prendre la parole pour ceux qui ne peuvent pas le faire.
Mag; Les jeunes, par exemple ?
F.A. Pas seulement eux, même s’ils sont très présents dans certains de mes romans. Ainsi, les principaux personnages du Journal de Jamila, de La remplaçante, de La forêt plénitude, ou de mon petit dernier,L’amour à boire, sont des jeunes. L’écriture est un merveilleux espace de liberté qui permet de communiquer ses émerveillements et de rencontrer l’autre dans son histoire, ses différences. Il ne s’agit pas de délivrer des «messages», mais d’offrir à son lecteur des tranches de vie où il se retrouve, des instants et des êtres qui lui donnent envie d’aller plus loin en lui-même, dans ce qui est essentiel, dans ce qui fait la fibre même de la vie.
Mag. La littérature est donc proche de la vie ?
F.A. Bien sûr ! Et quand elle s’en éloigne, elle perd de sa saveur. Je conçois les livres comme des outils d’émerveillement et de liberté. Prendre un livre, l’ouvrir, c’est décider de s’arrêter, de se retrouver avec soi-même. Certains ouvrages sont comme une lumière donnent à leurs lecteurs des pistes pour vivre mieux, pour ressentir davantage les plaisirs simples de la vie. Je pense à des auteurs d’aujourd’hui comme Christian Bobin ou Philippe Delerm; ils nous ramènent à notre humanité.
Mag. Une façon de partager nos différences, en somme ?
F.A. Mais oui ! Quand on s’assume en tant qu’humain, on a envie d’offrir son bonheur d’être vivant à l’autre. On ne peut pas supporter l’exclusion, on sent naître en soi le désir de mieux connaître ceux et celles qui nous entourent. Partager ses différences, c’est grandir, c’est tendre la main vers l’autre et accepter d’apprendre de lui aussi. Quand l’écriture devient un échange, elle parvient toujours à élargir le cœur.
Mag. Cette «écriture généreuse» expliquerait-elle votre succès auprès des adolescents ?
F.A. Les ados découvrent la vie avec ses bonheurs comme avec ses difficultés. Plusieurs de mes personnages sont proches d’eux, de leurs questions, de leurs colères. Ça les amène sans doute à éprouver du plaisir à lire mes bouquins. Les jeunes sont souvent plus généreux que les adultes; la rencontre de l’autre et le partage des différences leur font moins peur. Écrire pour eux me rend sincèrement heureux et me ramène sans cesse à davantage de justesse… Avec les ados, pas question de tricher!
Christian LIBENS, MAG<26, juin-juillet-août 1999.