Presse

Pauline DENYS, Des milliers de pages de gentillesse, ULB, 5 mars 2021.

Portrait de l’auteur Frank Andriat

Des milliers de pages de gentillesse

À 63 ans, Frank Andriat est un auteur prolifique. Il enchaîne les publications comme il enchaîne les rencontres et les petits moments de partage. Que ce soit dans les romans ou dans la vie, il fait de « l’autre » son personnage central.

            « Brontosaure et écolo », c’est ainsi que se définit Frank Andriat, Bruxellois d’origine. Les rencontres en visioconférence, très peu pour lui. Son ordinateur, il ne s’en sert qu’en tant que machine à écrire. Il accepte donc de nous rencontrer entre deux trains pour une promenade au cœur d’Ixelles.

            Auteur de plus d’une centaine de livres, ce philologue de formation et professeur de français à la retraite, s’épanouit depuis de nombreuses années dans l’écriture de romans, nouvelles, recueils de poésie et essais. Son public de prédilection : les ados. Le Journal de Jamila, La remplaçante, Je t’enverrai des fleurs de Damas, pour n’en citer que quelques-uns : il y a de fortes chances que l’un des écrits de Frank Andriat soit tombé entre les mains de ceux qui ont côtoyé les bancs de l’école à partir de la fin des années 80.

            C’est à l’âge de 13 ans que Frank Andriat écrit ses premières lignes. Un enfant timide qui cherche un moyen de s’exprimer en couchant les mots sur le papier. Celui qui l’a encouragé à poursuivre, c’est l’auteur belge Jacques Crickillon qui était son enseignant à l’athénée communal Fernand Blum. « C’est un prof à qui j’ai montré mes petits poèmes un peu nuls. Cet homme aurait pu me casser en me disant la poubelle est là. Il ne l’a pas fait. »

            Tiens, une pensée qu’il attrape à la volée : il se remémore une citation lue un jour sur une carte postale « Il faut regarder l’autre en beau pour lui donner envie de l’être ». C’est quelque chose qu’il a toujours essayé d’appliquer avec ses propres élèves.

            Plus qu’un bisounours

            « Ce qui me surprend à chaque fois chez Frank, c’est sa capacité à mettre son interlocuteur tout de suite à l’aise.», confie son éditeur chez Mijade, Antoine Labye. L’écrivain surprend encore lorsqu’on lui demande quelles sont ses passions en dehors de l’écriture : « Je crois que la première passion, c’est l’être humain, et essayer de mettre de l’humain à travers les livres. »

            Certains peuvent le définir comme un bisounours, son ami et éditeur chez Ker Editions, Xavier Vanvaerenbergh, le définit plutôt comme quelqu’un de profondément et sincèrement gentil : « La gentillesse chez Frank c’est une qualité qui est sous-estimée par énormément de gens qui peuvent peut-être le regarder de haut ou le négliger. En réalité, c’est quelqu’un d’infiniment plus riche que ce qu’on lui prête. »

            À présent, assis sur un muret en béton, à côté de l’auditorium Paul-Emile Janson, faute de mieux pour s’asseoir, il regarde les allées et venues des passants. « Il y avait des bancs à l’époque ici ». C’est à l’ULB que Frank Andriat a étudié la philologie romane. Il n’est pas issu d’une famille d’écrivains, mais sa famille lui a toujours laissé le choix de faire ce qu’il voulait de sa vie.

            Il arrive sans mal à structurer sa journée entre les moments dédiés à l’écriture et ceux dédiés aux siens. « Je suis quelqu’un de très organisé. Je sors de la réalité de 8h30 du matin à 12h30 et après j’y reviens ». Un simple « à table ! » de sa compagne suffit pour l’extirper du « monde des rêves ».

            Les jeunes comme inspiration

            Un petit coup d’œil sur le téléphone pour regarder l’heure. « C’est que je prends plaisir à parler ». Il est attendu l’après-midi dans une école d’Ixelles pour rencontrer de jeunes lecteurs. Ayant dû réduire les rencontres depuis mars 2020 et l’annonce du premier confinement, il revient petit à petit dans les salles de classe. À son grand plaisir : « Ce sont des réactions en vrai et puis il y a cette ambiance d’école. J’ai quand même été prof pendant 36 ans. »

            Pouvoir échanger avec les jeunes, c’est précieux puisqu’ils sont source d’inspiration aussi. En septembre dernier, il a sorti le roman Rumeurs, tu meurs ! sur la thématique du harcèlement sur les réseaux sociaux, à la demande des élèves eux-mêmes. Ce roman ne serait jamais paru sans ces discussions avec les jeunes.

            Il raconte aussi que le livre a provoqué un déclic chez une élève victime de harcèlement scolaire. « Elle avait besoin d’en parler et peut-être que sans le livre, elle ne l’aurait pas fait. » Pour lui, c’est ainsi que la littérature prend du sens : « On n’écrit pas que pour soi, on écrit aussi pour les autres. Et puis, je me dis que si ça peut faire du bien, tant mieux, tout en ne faisant pas l’économie de sujets difficiles. Mais si une solution est apportée dans le livre, peut-être que ça va apporter une piste dans la vie. »

Pauline Denys

5 mars 2021

Article rédigé dans le cadre du master en journalisme de l’ULB.

Michel PAQUOT, Frank Andriat roule vers l’amour, L’AVENIR, 6 novembre 2020.

Frank Andriat roule vers l’amour

Porté par un humour revigorant, Les mardis d’Averell Dubois suit pendant un demi-siècle un vendeur de Peugeot qui finit par trouver l’amour.

            Il en est con­vaincu : le mardi est le pire jour de la semaine. C’est en effet un mardi que Joe, que tout le monde appelle Averell, car il ressemble da­vantage au plus grand des Dal­ton qu’au petit teigneux, s’est cogné à Bill Babeler en vou­lant éviter une déjection ca­nine sur le trottoir. En ce 22 juillet 1969, le lendemain du premier pas sur la Lune, le petit garçon de 12 ans est bien loin de s’imaginer que sa route ne cessera de croiser ce butor mal embouché, person­nage néfaste et sadique aussi bête que méchant. « C’est une sorte de petit Trump, commente l’auteur. Il ne voit le monde qu’en fonction de lui et n’existe qu’en écrasant les autres. »

            Cette rencontre malencon­treuse est le point de départ de nouveau roman cocasse de l’écrivain belge Frank Andriat. C’est en effet sur le ton de l’hu­mour que l’auteur du Bonheur est une valise légère va suivre pendant cinq décennies son personnage, grande bringue profondément gentille et sympathique, mais à la répar­tie pouvant être mordante. Fasciné par la généreuse poi­trine de sa voisine exhibée sur fond de tubes de Genesis, cet enfant unique traverse de ma­nière chaotique son adoles­cence, avant de trouver du tra­vail chez un concessionnaire Peugeot à soixante kilomètres de son village picard. Sous les hauts cris de sa mère « à l’affec­tion pâtissière », furieuse de voir son ingrat de fils de 23 ans la quitter, et que son père, plus philosophe, tente de calmer.

            « Je voulais raconter un roman humoristique, se souvient Frank Andriat. Pourquoi un mardi ? Je n’en ai plus la moindre idée. » Une fois retenu le deuxième jour de la semaine, il a cherché ceux qui étaient dignes d’être retenus, entre le début des années 1970 et le dé­but du XXIe siècle. Des naissances de Marion Cotillard et de Stromae à la mort de Tex Avery, en passant par la vic­toire de Cassius Clay sur Joe Frazier, la réunification du Yé­men ou les attentats du 11 septembre 2001. Ces événe­ments acquièrent une impor­tance plus ou moins grande dans la vie d’Averell, en ratta­chant certains épisodes à l’ac­tualité. Une existence égale­ ment scandée par l’évolution des modèles Peugeot.

            Les mardis d’Averell Dubois ra­conte le chemin d’un homme bon et généreux vers la félicité qu’il va connaître grâce à une Gracieux-­Berluronne (une ha­bitante de la commune de Grâce­-Berleur, dans la péri­phérie liégeoise). Donc une Belge, ce qui laisse sa mère in­terloquée. On retrouve ici, une fois encore, l’optimisme de l’écrivain prolifique. « Parler d’amour à notre époque me sem­ble important, explique­-t-­il. Écrire est, pour moi, un moment de bonheur et de partage, et j’ai envie de partager ce bonheur. J’aime faire du bien à mes lec­teurs. Je montre le côté lumineux des choses, sans nier les difficultés de l’existence. »

Au fil de ses livres, Frank An­driat navigue avec une égale réussite entre ses romans pour adolescents et adultes. « Au niveau de l’écriture, c’est la même chose, je la travaille avec la même attention. Les différences, ce sont l’âge du héros et la théma­tique qui doit le concerner. » Pour preuve, son dernier et remar­quable roman pour ados, Ru­meurs tu meurs (Mijade), où il est question du harcèlement sur les réseaux sociaux (voir nos éditions du 3 octobre der­nier).

Michel Paquot, L’Avenir, 6 novembre 2020.

Frank Andriat, Les mardis d’Averell Dubois, Genèse, 225 p.

Sophie DELHALLE, Frank Andriat : écrire avec le cœur, DIMANCHE, 25 novembre 2018.

Dans son dernier roman, Frank Andriat nous fait découvrir les bienfaits de la méditation à travers le personnage de Grégoire. Dimanchea rencontré l’auteur pour découvrir l’homme qui se cache derrière une œuvre empreinte d’humanisme et de bienveillance. 

Ses premières émotions littéraires, Frank Andriat les a vécues avec Le Petit Prince, offert par sa maman qui lui en faisait la lecture. « On m’a dit, tu ne comprendras rien, mais c’est un beau livre et tu pourras le relire plus tard », nous confie-t-il dans un sourire. Adulte, il se délecte de « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez, qu’il a lu plusieurs fois. « Il a créé un monde plein d’humanité. Quelle écriture! » Mais celui qu’il préfère et dont il aimerait avoir la plume, c’est Christian Bobin, et son écriture-coquelicot. « Avant d’être une écriture, c’est une manière de s’émerveiller de toutes les choses et de toutes les personnes. Christian Bobin décrit tous les petits points de lumière qui passent dans nos vies. Quand les autres parlent de la tempête de neige, lui parle de chaque flocon. C’est la vie qui ne cesse de s’émerveiller. »

Pas de culture sans nature

Frank Andriat ne s’en cache pas, il n’affectionne pas les livres trop intellectuels. « On m’a déjà dit que j’écrivais avec le cœur, et pas avec la tête. C’est tout à fait vrai. J’ai besoin que ça chante à l’intérieur. » Pour autant, l’auteur n’est pas un nostalgique. Il rédige par exemple la plupart de ses œuvres sur son clavier d’ordinateur, lui qu’on imaginerait mieux le stylo en main courant sur le papier rugueux. Par contre, le professeur de français n’est pas enthousiaste face aux réformes othographiques qui, selon lui, « gomment les difficultés » – et les différences – mais ne les suppriment pas. Il dénonce même cette volonté, typique de la société actuelle de lisser les choses. « Alors plus rien n’existe. Simplifier l’orthographe, c’est aussi un déni de culture par rapport à l’histoire d’une langue. C’est vouloir effacer le passé et nos racines grecque et latine. » Il n’est également pas un fervent défenseur de l’écriture inclusive. « Même si je comprends l’idée, je trouve qu’il s’agit d’une complication intellectuelle inutile qui n’apportera pas grand-chose aux droits des femmes. C’est un vernis qui n’agit pas en profondeur. » Dans son dernier livre, deux personnages principaux se font face: Grégoire et le cerisier. On découvre dans ses pages une véritable ode à la nature, à son langage, à ses transformations. Pour Frank Andriat, la nature sans culture est possible alors que l’inverse paraît inenvisageable. « Une culture sans nature est déconnectée du vivant, désincarnée. Or c’est de la vie que peut naître la culture. Notre humanité se met grandement en danger en ne respectant pas le vivant, en ne préservant pas ce lien avec la nature… et la culture aussi ! » La popularité des Trump, Bolsonaro et autres climatosceptiques l’inquiète d’ailleurs beaucoup.

Être contemplactif

« Plus jeune, j’étais dans l’agir, le faire. Les accidents de la vie m’ont fait prendre conscience, à l’instar de Selma [personnage principal dans « Le bonheur est une valise légère »], que l’observation et l’accueil de ce qui est sont très importants. » Le capitalisme galopant où il faut toujours avoir plus, faire plus, nous mène droit dans le mur selon l’auteur. « La vie perd sa saveur si on ne prend pas le temps de s’arrêter pour la contempler ». Loin de vanter les mérites de l’inaction, Frank Andriat défend la posture du « contemplactif » car, comme il l’écrit dans ses « Méditations heureuses sous un cerisier du Japon, « méditer – ou contempler, ou prier – « c’est participer au monde des hommes en s’y impliquant en profondeur. » Il suffit d’ôter une lettre pour se rendre compte que la méditation porte en elle la médiation. Ainsi, de méditant qu’il était, Grégoire endosse finalement le rôle de médiateur. La contemplation, dans cette attention de tous les petits moments de la vie, nous permet donc aussi de poser des actes véritables, ancrés dans le présent. D’être dans l’action plutôt que de la subir et surtout lui redonner du sens, en étant à l’écoute du monde et de l’autre. Au risque, pour celui qui ignorerait totalement cette pratique, de passer à côté de sa vie. « Miser tout sur le faire et l’agir, vivre pour soi, ne pas nourrir son intériorité et ne pas regarder l’autre, c’est cela une vie manquée », estime Frank Andriat. Et pour atteindre la (les) béatitude(s) rien de tel que la gratitude, cette envie de dire merci à la vie. « Le merci ouvre un chemin de bonheur et la gratitude se penche sur toutes les petites choses. »

Communi(qu)er

Pour Frank Andriat, notre monde manque cruellement de deux choses, intimement liées : le silence et la communion. Lui-même a découvert cette nécessité du silence lors de retraites. « Nous sommes constamment tirés hors de nous-mêmes, sollicités en permanence. Or le silence permet d’écouter la vie. C’est le lieu par excellence de l’accueil. C’est du silence que naissent les choses. Que naissent aussi la méditation, la prière, la rencontre avec l’autre ou l’Autre. » Il ajoute encore : « Nous avons besoin du silence pour entendre le murmure de l’autre à l’intérieur de nous. Plus le monde fait du bruit, plus il fait taire l’autre »… et l’Autre. D’où également sa critique acerbe contre l’utilisation des smartphones – objets merveilleux en soi – qui, au lieu de nous relier, finissent par nous couper des autres. Avec le constat déprimant que nous vivons dans un monde de communications vides, stériles qui ne permettent plus la communion. Il élargit même le propos en affirmant que, paradoxalement, les moyens de communiquer aujourd’hui engendrent une déconnexion qui elle-même conduit à la déshumanisation et aboutit à l’exploitation du genre humain.

C’est en donnant…

Pour Frank Andriat, il nous faut réapprendre à donner, car « c’est en donnant qu’on finit aussi par se donner ». Offrir un sourire ne coûte rien. Celui à qui il est adressé peut bien entendu le refuser, mais aussi et surtout vous le rendre et c’est là que s’opère en quelque sorte la magie. D’un simple don, reçu et rendu, chacun se donne un peu. Et cet échange permet de sortir de l’anonymat. L’auteur regrette qu’aujourd’hui, « les gens prennent mais ne rendent plus ». C’est aussi en donnant qu’on peut ensuite pardonner. « Le fait de pardonner, on ne peut le vivre que comme une résurrection. Pardonner, c’est s’ouvrir à l’autre et à soi. C’est remettre les pendules à l’heure, l’humain au milieu des blessures. »

Après toutes ces années d’enseignement, le professeur de français conserve toujours cette envie de donner, transmettre, partager. Mais le constat suivant l’interpelle : « Quand j’ai débuté ma carrière, sur une classe de vingt élèves, deux seulement étaient en faveur de la peine de mort et les autres contre. Aujourd’hui, ce rapport s’est inversé. » Il déplore donc l’existence d’une pensée unique qui veut voir éliminer les « déchets » humains. Voilà pourquoi Frank Andriat développe un discours et une écriture bienveillants, prend soin de choisir les mots qui ouvrent des portes plutôt qu’ils ne les ferment. Cela ne l’empêche pas de fustiger une fois encore la société capitaliste qui voudrait évacuer toute spiritualité alors que cette question de la transcendance et de la recherche du bonheur est profondément humaine. Mais de défendre la liberté d’expression qui ne blesse pas. Pas étonnant que, pour Frank Andriat, le plus beau mot de la langue française soit le mot « accueil ».

 

Sophie Delhalle,DIMANCHE, 25 novembre 2018.

Michel PAQUOT, La seconde vie de Grégoire-le-Sage, L’AVENIR, 4 octobre 2018.

La seconde vie de Grégoire-le-Sage

 

Dans Méditations heureuses sous un cerisier du Japon, Frank Andriat donne vie à un personnage secondaire de son précédent roman.

Grégoire ! Qui a lu Le bonheur est une valise légère ne peut avoir
 oublié ce lecteur
 de Christian Bobin et buveur d’infusions aux fruits rouges qui, grâce au regard apaisant et bienveillant qu’il porte sur la vie, permet à l’héroïne, Selma, de se recentrer sur l’essentiel et de reprendre un nouveau chemin. Un personnage tellement fort que de nombreux lecteurs ont voulu en savoir plus sur lui.

Son créateur, Frank Andriat, s’est pris au jeu et s’est demandé d’où vient cet homme issu de son imaginaire, quel a été son cheminement vers cette forme de sagesse. « En l’approfondissant, j’ai eu l’impression d’approfondir mon premier livre, explique­-t-­il. Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas écrire son parcours comme une histoire classique, mais qu’il me fallait entrer dans son intimité. »

Lorsque s’ouvre Méditations heureuses sous un cerisier du Japon, cet homme de 38 ans est au fond du trou suite à une rupture amoureuse dont il ne parvient pas à se remettre. Ses seuls moments de sérénité sont ceux passés sous le cerisier du Japon planté dans son jardin, en compagnie de son chat Nestor. C’est son psy qui lui a conseillé la méditation, l’encourageant à se montrer persévérant, et à observer la vie « humblement, paisiblement ». Et, progressivement, il parvient effectivement à reprendre goût à l’existence. Et même à retomber amoureux d’une femme qui va l’aider à acquérir cette sagesse dont il sera porteur. « Ses faiblesses, il a pu les transformer en forces grâce à la méditation. Il se rend compte qu’aider les autres, c’est une manière de s’aider lui­-même. Il s’étonne du regard que l’on peut porter sur lui, car il ne se considère pas comme un gourou. Il est un Monsieur Tout­-le-­Monde qui a simplement appris à être attentif à son prochain. Or, dans notre société, la plupart des gens sont centrés sur eux­-mêmes, sur ce qu’ils font, sur leur avoir, et la question de l’être ne les préoccupe pas. »

Lui qui, par sa façon positive de voir le monde, fait du bien à tous ceux qu’il croise, y compris ses collègues dans la maison d’édition où il est à la fois lecteur et directeur commercial, serait-il une sorte de Christ profane ? « On peut dire ça, s’amuse l’ancien professeur qui ne veut pourtant pas donner aux méditations de son personnage une connotation religieuse. Quand j’ai publié Avec l’Intime, en 2009, un ami prêtre, mais aussi des amis athées s’y sont retrouvés. Chacun a la même recherche intérieure à partir du moment où la vie l’amène à se poser des questions. »

Les trente chapitres qui composent ces profondes Méditations heureuses sont autant de beaux moments amenant le lecteur à réfléchir à lui-même, à son parcours de vie. Et peut-être à se demander, avec Grégoire, « qu’est­-ce que le bonheur ? »

Michel PAQUOT, L’AVENIR, 4 octobre 2018.

Frank Andriat, Méditations heureuses sous un cerisier du Japon, Marabout.

Philippe COLLING, La mort d’une mère, aurore d’un homme, L’AVENIR DU LUXEMBOURG, 8 mai 2018.

Confronté à la mort de sa mère, un quadragénaire va apprendre à se reconstruire. C’est le thème du dernier roman de Frank Andriat.

            « Aujourd’hui, tu es morte, maman. » C’est l’annonce d’un deuil qui ouvre le dernier roman de Frank Andriat, Ta mort comme une aurore. Inévitablement, la résonance de ces quelques mots, le contexte, nous renvoient à notre adolescence, à nos années Camus. Pourtant, ce n’est pas de l’incipit deL’Étranger, l’un des plus célèbres de la littérature française – pour lequel, soit dit en passant, « Questions pour un champion » et « Trivial Pursuit » et « La littérature pour les nuls » ont fait beaucoup – dont il est ici question.

Rien à voir donc, mais voilà tout de même que, pour Brice Deveau, 43 ans, vieux garçon bien de sa personne, célibataire endurci et cependant fragile, tout vibrant encore de cet amour maternel inconditionnel, un monde s’effondre. S’il veut se sauver de son passé, Brice va devoir passer les souvenirs tronqués et les fausses certitudes au tamis de la vérité, pour comprendre comment il en est arrivé là, lui, fruit amer d’un viol.

De cette salutaire introspection, de l’ombre à la lumière, Frank Andriat fait le fil rouge de son nouveau livre.

Faut-il encore dire combien l’auteur, roman après roman, cerne au plus près ces âmes bringuebalées dans cet entre-deux qui va d’un état de crise – ici le décès d’une mère avec laquelle s’est engagé un amour fusionnel et exclusif – à une liberté enfin (re)trouvée – sans qu’il soit forcément question de rédemption ?

            Au bout du tunnel

Chronique de ces jours fiévreux et déterminants pour un homme en quête de son identité, de sa liberté et de l’amour d’une femme qui soit autre que sa génitrice, Ta mort comme une auroreappartient sans doute aux textes les plus forts d’un auteur qui, invariablement, s’est fixé la quête du bonheur, comme seule issue valable. Ce tunnel qu’il lui faut traverser, Deveau en fait aussi l’expérience par la lecture d’un autre Tunnel, un classique de 1948 que l’on doit à l’écrivain argentin Ernesto Sábato.

Pour Deveau, modeste héros aux prises avec des contingences professionnelles dénonçant non sans humour le mépris d’une société qui nie l’homme pour obéir à l’argent, incarnées par un rond-de-cuir judicieusement nommé Lepitre, crever la bulle maternelle sera aussi crever l’abcès.

Fluide et colorée tout en sachant rester économe, comme une petite musique aux thèmes courts et parfaitement enchaînés, la prose de Frank Andriat porte son récit, et l’homme. Vidé de lui-même aux premières pages, Brice se nourrit et se remplit au fil des rencontres, littéraires (merci Delacourt, merci Bobin) et surtout féminines (Nuray l’infirmière, Albina, étudiante et prostituée, et surtout Naïma, fraîche échappée de la violence faite aux femmes).

Pour Andriat comme pour Aragon, il est une fois encore évident que la femme est l’avenir de l’homme. Aussi évident que l’aurore est le début d’un nouveau jour.

Philippe Colling, L’Avenir du Luxembourg, 8 mai 2018.

Ta mort comme une aurore, par Frank Andriat, 155 pages, Renaissance du Livre, 2018.

Jacqueline PICOCHE, L’actualité revisitée sous forme de contes de Noël, ALETEIA, 15 juin 2016.

Frank Andriat nous plonge dans son univers poignant où le conte n’est pas dédié qu’aux enfants !

            Frank Andriat, auteur belge, qui partage sa vie entre l’enseignement et l’écriture de romans et d’essais, mais a aussi publié des poèmes, aurait dû dédier son livre au pape François dont il épouse à merveille les principales orientations : option préférentielle pour les plus pauvres d’entre les pauvres, et voilà une belle dame qui s’assoit à côté d’une mendiante et change sur elle le regard de la foule. Injonction aux gens qui ont acquis un certain niveau de stabilité et d’aisance de sortir de leur milieu et d’aller aux « périphéries », et les voilà caricaturés par trois vieilles dames trop méfiantes à l’égard de leurs nouveaux voisins, des « sans-papiers » exemplaires. Honte à l’Europe qui ne s’ouvre pas suffisamment aux migrants ! Et deux contes sont consacrés à la manière dont ils sont accueillis. Éloge de la famille dans tant de ses allocutions, et voilà deux histoires de femmes abandonnées dont l’une trouve sa consolation dans ses  enfants et tandis que l’autre ne trouve même pas l’oubli dans l’alcool, histoire d’un Papy qui vient de perdre sa Mamy mais qui heureusement a un petit fils, histoire d’un être bien aimé qui a sombré dans le coma et dont il faut le tirer… Importance du dialogue interreligieux : voilà  Mansour, l’exilé afghan, qui a trouvé en la personne d’Audrey, Lilloise exilée à Bordeaux, son « oiseau sur le bord de la fenêtre », et qui est présenté sous le jour le plus sympathique, soigneusement distingué de ces « fous » sanguinaires d’islamistes. Bref dix histoires parfaitement contemporaines qui peuvent être dites « contes » en ce qu’elles disent brièvement quelque chose de la condition humaine. Mais contes de Noël ? Certains ne parlent même pas explicitement de cette fête. Mais implicitement, oui !  La grâce de Noël est bien d’ouvrir les cœurs à la vue d’un pauvre et divin enfant couché sur la paille d’une étable. Et c’est justement, dans chaque conte, cette ouverture de cœur d’un des personnages, qui, parfois à son insu même, dénoue la situation bloquée ou tragique de l’autre, et fait sourdre la joie.

            Références bibliques

            Ces courtes histoires auraient pu n’être que platement édifiantes. Il n’en est rien ! Elles évitent ce risque de deux façons. La fin n’est jamais attendue. Elle réserve toujours une surprise. Exemple : est-ce le père qui est au chevet de son fils dans le coma ? Eh, non ! Le fils n’était que légèrement blessé, alors que le père, dans sa précipitation et son inquiétude a eu un accident beaucoup plus grave sur la route de l’hôpital. C’est le fils qui le veille en espérant et en obtenant son retour à la vie, réciprocité qui oblige ces deux hommes, abandonnés par celle qui était l’épouse et la mère, à se dire davantage leur profond amour mutuel. Le conte intitulé Chère Marie semble être une méditation sur la photo d’une femme bien aimée. Eh, non !  On comprend à la toute fin qu’il s’agit d’une image de la Vierge Marie.

            Une écriture, sa signature

            Et puis il y a le style très travaillé, très littéraire, allusif, poétique, qui dessine les personnages par petites touches, pratique légèrement le monologue intérieur. Dans le conte intitulé Je t’… une adolescente de treize ans exprime son désespoir, sa rage de n’avoir pas connu son père, une écriture proche de celle de Michaux. Rien de mieux pour conclure que de lui donner la parole : « Je t’en veux, oui je t’en veux. Je t’appelle, je t’imagine, je t’attends, t’attends, t’attends. À temps, tu n’es jamais arrivé, jamais. … Tu te tais, je t’écris, tu étais. Je t’ai cri… Il y a cent toi en moi, et le sang de toi, et sans toi. Tu es tellement présent, même si tu n’es pas là… »

Jacqueline Picoche, Aleteia, 15 juin 2016.

Michel PAQUOT, Frank Andriat, auteur à valeurs ajoutées, L’AVENIR, 4 janvier 2016.

Frank Andriat, auteur à valeurs ajoutées

Le prolifique auteur belge des Profs au feu publie conjointement un intrigant roman pour jeunes et dix magnifiques contes de Noël.

Un roman jeunesse, Voleur de vies, et un recueil de contes, Un oiseau sur le bord de la fenêtre… Ce sont les deux nouveautés de Frank Andriat, prof dans un collège de Schaerbeek.

Voleur de vies,
publié chez
l’éditeur namurois Mijade,
aborde un sujet
 en phase avec le 
lectorat jeune auquel il s’adresse. Andriat y met en scène Lézard, un jeune pickpocket qui, à travers les cartes d’identité de ses « victimes », s’invente d’autres vies et voyage partout en France de manière virtuelle.

Mais les certitudes de cet ancien enfant martyrisé sont bientôt battues en brèche par sa rencontre avec Méduse, une fille d’intellos bourgeois qui voudrait suivre ses traces. Et quand il se découvre en héros du nouveau roman d’un auteur à succès, il ne comprend plus rien.

Un roman qui offre une pertinente réflexion sur notre société actuelle et sur ce qu’elle propose à sa jeunesse. Comme le faisait aussi, du même auteur, un précédent livre, Je t’enverrai des fleurs de Damas. Andriat y racontait le « tremblement de terre » provoqué par le départ en Syrie de deux collégiens de 15 ans, tant chez l’amie proche de l’un d’eux, qui n’a rien vu venir, que chez leur professeur de français à qui l’adolescente sidérée se confie par lettres.

Dix contes de Noël porteurs d’espoir

Avec Un oiseau sur le bord de la fenêtre (Salvator), Frank Andriat propose dix contes de Noël porteurs d’espoir. L’espoir d’une vie meilleure, d’un avenir autre, de lendemains souriants, véhiculé à travers des personnages attachants et des histoires qui parlent d’accueil, de regard porté sur l’autre, de richesse humaine, d’amour partagé. Un livre émotionnellement fort que l’on a envie d’offrir.

Ces deux dernières années, Andriat a publié près d’une dizaine de livres dont Ces morts qui se tiennent par la taille, les aventures de son héros pour ados Bob Tarlouze, Je t’enverrai des fleurs de Damas, Clés pour la paix intérieure ou, dans un tout autre genre, Moi, ministre de l’Enseignement, qui faisait suite à son fameux Les profs au feu et l’école au milieu sorti l’année précédente.

Ressort aussi en poche Jolie libraire dans la lumière. Autant de livres de haute tenue porteurs de valeurs humanistes et fraternelles.

 

Michel Paquot, L’Avenir, 4 janvier 2016.

Philippe COLLING, Frank Andriat en toute sérénité, L’AVENIR DU LUXEMBOURG, 11 avril 2014

Frank Andriat en toute sérénité

« Une réflexion plus intime et des livres qui se font l’écho de ma quête de spiritualité et d’intériorité » : Clés pour la paix intérieure, le nouveau livre de Frank Andriat (et déjà le troisième depuis le début de l’année, après deux livres « jeunesse », Le Stylo et le second tome des aventures de Bob Tarlouze) s’inscrit dans la continuité d’Avec l’Intime et de Reçois et marche, deux textes publiés à l’époque chez Desclée De Brouwer. C’est toutefois chez Marabout que sort ce que l’éditeur présente comme « un livre-ressource qui nous ramène au meilleur de nous-mêmes ».

À l’origine, Frank Andriat avait choisi pour titre « Le mouvement immobile », un titre, comme le texte, dans la veine des tomes Desclée De Brouwer. En raison de l’approche plus pratique, plus « guidée » donnée au livre par Marabout, il est devenu Clés pour la paix intérieure, et se voit augmenté de notes d’intention fluides et d’exergues plus littéraires, renvoyant directement à La Forêt Plénitude (1997, et réédité l’an dernier par Mijade), une œuvre antérieure que l’on peut aujourd’hui voir comme un galop d’essai pour le romancier, alors déjà en quête de « prière, méditation, religion, sagesse, philosophie ». S’il les énumère, c’est parce que Frank Andriat n’écarte aucun des mots qui procèdent de son cheminement philosophique. « Le mouvement immobile procède à la fois de la sagesse et de la prière, mais y a-t-il tant de différences entre l’une et l’autre ? Encore une question de mots », écrit-il, page 140, au chapitre 11, intitulé « Je deviens une capacité ».

Chemin de joie

Des chapitres, Clés pour la paix intérieure en compte dix-huit. Comme autant de stations, celle d’« un chemin de joie », ou plus simplement de « clés » en « je », de « Je dépasse les mots qui font peur » à « Je deviens imprégné d’amour ». Il y aura aussi, en route, « J’apprivoise mon ego », « Je vis le présent » ou « J’accompagne le mal ». Jamais, l’auteur ne s’aveugle d’angélisme à bon marché, et alors que le marché de l’édition est par ailleurs abondamment fourni en principes « zen » et littérature new age dont Frank Andriat ne se revendique pas. « Le mal existe, la souffrance et la maladie aussi. Il est important que j’apprenne à les côtoyer le plus sereinement possible ». Comme la mort qui, inexorablement, viendra, mais peut être « la conclusion heureuse de notre vie, bien plus qu’un déchirement ».

Clés pour la paix intérieure est avant tout un livre de vie, un vade-mecum pour « cultiver la sérénité en toute simplicité ». Les clés proposées ouvrent bien des portes, par la grâce de la (belle) plume d’un auteur autant en recherche de lui-même qu’à l’écoute attentive des autres. Une préoccupation qui, de la littérature jeunesse à ses œuvres « adultes », caractérise bien l’œuvre apaisée et apaisante de Frank Andriat.

Philippe Colling, L’Avenir du Luxembourg, 11 avril 2014

Clés pour la paix intérieure, par Frank Andriat, 251 pages, Marabout.

Jean-Claude JAFFÉ, La forêt plénitude, VOIX DU MIDI, 28 novembre 2013.

La forêt plénitude

Un livre dédicacé à Christian Bobin par Frank Andriat, avec gratitude, pour moi, rien de surprenant. Il y a comme une fraternité littéraire, poétique, spirituelle entre les deux hommes. Et cette ressemblance intellectuelle, cette inspiration simple et lumineuse, cette fraîcheur de sentiment, ce trésor de tendresse, assurément, on retrouve tout cela dans La forêt plénitude. La trame de ce court mais dense récit peut se résumer en quelques mots : Virginie, le jour de ses 18 ans, reçoit en cadeau d’anniversaire de son lointain oncle Louis un livre fabuleux, quasi magique, qui va l’inciter à quitter sa famille pour faire une retraite, seule, en pleine forêt, pendant quelques jours.

Le lecteur appréciera l’art du conteur qui s’émerveille devant une biche, un cours d’eau, le chant des oiseaux, le bruissement du vent. La prose est voluptueuse, on tressaille sous la caresse des mots, la sensualité se révèle soudain dans le ruissellement de la rivière : un cadre paradisiaque où le temps s’écoule avec nonchalance. Et puis, une cloche retentit. C’est l’appel inattendu et pourtant inconsciemment espéré. C’est la quête irrésistible qui se concrétise avec cette rencontre désopilante avec le frère François, ermite lui aussi, mais de profession, qui va catalyser la conversion de Virginie, tout en douceur mais profonde et radicale. La forêt a rempli son rôle initiateur, elle peut nous offrir maintenant sa plénitude.

Jean-Claude JAFFÉ, VOIX DU MIDI, 28 novembre 2013.

Michel PAQUOT, Bob Tarlouze, le héros rose de Frank Andriat, L’AVENIR, 31 mai 2013.

Découvrez vite ce bel article de Michel Paquot à propos de « Bob Tarlouze » dans L’Avenir du 31 mai 2013.