Claude RAUCY, Un livre précieux, DIRECT, juillet 2009.

Un livre précieux

Les auteurs se connaissent-ils bien ? Ont-ils conscience de ce que l’avenir retiendra d’eux ? On étonnerait bien Voltaire en lui disant qu’on lit toujours ses lettres mais que ses tragédies font rire ! On étonnerait bien Frank Andriat, sans doute, en lui glissant à l’oreille qu’on ne le retiendra pas comme auteur pour les jeunes (saRemplaçante, malgré le fabuleux succès commercial, n’est pas ce qu’il a fait de mieux !) et que, parmi les ouvrages de lui édités dans des collections « jeunesse », les meilleurs sont justement ceux qui ne sont pas destinés… à des jeunes. Aurore barbare, par exemple.

Bref, avec son dernier livre, Avec l’Intime(1) notre ami a sans doute signé un ouvrage qui fera date, un livre riche, précieux, presque indispensable si on n’avait peur d’exagérer. Un livre surprenant, en tout cas.

De quoi s’agit-il ? Pas d’un roman, pas d’un recueil de nouvelles, mais d’une longue réflexion sur l’homme, sur soi-même, sur Dieu. Longue non pas par le nombre de pages, 98, mais par toutes les plages de silence ou de dialogue intérieur qu’Andriat ménage pour nous à la fin de chaque chapitre sinon de chaque paragraphe.

Le titre peut surprendre mais l’auteur l’explique dès le début :
Pour dire l’Intime, d’autres utiliseraient le nom de Dieu, mais ce mot-là est tellement mis à toutes les sauces, revendiqué par tant de groupes, criblé de tant de crimes en son nom qu’il m’a semblé plus juste de parler de l’Intime pour exprimer ce qui me dépasse et qui me comble de plénitude.

N’empêche, le lecteur, s’il est comme moi, remplacera toujours l’Intime par Dieu. Et c’est en pensant à Dieu qu’il posera le livre de temps en temps pour prolonger une réflexion qui le désarçonne, le rassure, le conforte. Car Avec l’Intime est un livre qu’on pose, qu’on reprend, qu’on repose. Ferai-je une confidence ? Depuis que je l’ai reçu, il ne quitte pas ma table de nuit et ne la quittera pas de sitôt. Est-ce un compliment ? Oui et un fameux. Peu de livres ont droit à cette place de choix.

Pas un roman donc. Pas un livre que l’on veut achever, la lecture à peine commencée. Mais un livre à relire, presque au hasard, à doses homéopathiques. Car c’est comme cela qu’il fait du bien. Et il fait du bien !

Alors on voudrait citer presque au hasard, pour convaincre le lecteur qu’il a besoin de ce livre. Au chapitreBruits :
Mais il y a tellement de bruit autour de moi, il y a le monde qui grouille et ses multiples attraits, le monde et sa continuelle distrayance. Le monde comme une mésange qui vole de branche en branche sans prendre conscience de l’arbre qui les porte.

A propos de Fleurs :
La plus belle fleur est le coquelicot parce que le coquelicot meurt à peine coupé de la source de la vie. Le coquelicot dit l’Intime avec la ferveur de son rouge et il fleurit dans les terres labourées, comme l’Intime pousse dans les cœurs retournés. Si je suis sûr de moi et enfermé en mes certitudes, mon cœur devient pierre et perd la souplesse de la glaise qui respire.

Ou encore (dans L’autre) :
Même mon ennemi est une leçon de vie, lui, bien plus encore que celui ou celle qui m’aime bien. Mon ennemi, puisque je le fais exister, me renvoie à ma difficulté à ne pas juger, mon ennemi me renvoie à ce qui est ennemi de l’Intime en moi, à ce qui l’emprisonne, à ce qui le fait taire…

On voudrait tout citer !

On sent l’auteur proche de certains messages du Nazaréen ou de saint François. Est-ce à dire que ce livre est destiné aux seuls chrétiens ? Sûrement pas ! La réflexion de Frank Andriat s’adresse à tous ceux qui n’ont pas définitivement clos leur réflexion sur eux-mêmes et sur les autres. A tous ceux aussi qui aiment qu’une pensée leur soit livrée dans une langue fraîche et claire comme l’eau d’un ruisseau. C’est le cas de ce beau livre de Frank Andriat.

Un livre à poser sur sa table de nuit.

Claude RaucyDirect, juillet 2009.

(1) Frank Andriat, Avec l’Intime, Desclée de Brouwer (collection « Littérature ouverte »),  2009.

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