Il réécrit le monde de sa mansarde
Frank Andriat Bruxellois, non peut-être ?
Les dix-neuf communes bruxelloises sont une pépinière d’artistes. Rares sont ceux pourtant qui ont choisi les lettres. Frank Andriat est de ceux-là. Partageant sa vie professionnelle entre l’écriture et l’enseignement, il a déjà à son actif la publication de plusieurs romans, de nouvelles, d’essais et de recueils de poèmes dont les tirages ne sont plus confidentiels. Son roman le plus connu ? Sans conteste le Journal de Jamila. Schaerbeekois dans l’âme, il vient de publier aux éditions Memor son dernier roman, La remplaçante, traitant… de l’enseignement.
Frank Andriat (c’est un pseudonyme) a des allures d’éternel adolescent un peu fragile. Ses lunettes rondes accentuent son côté intello. Il ne possède plus qu’une minuscule mansarde à Schaerbeek, à l’instar de Verlaine et Rimbaud qui louaient une chambre dans le centre de Bruxelles. Mais là s’arrête la comparaison : il ne mène pas leur vie bohème et n’a rien de maudit.
S’il est né à Ixelles en mars 1958, il a jusqu’à présent passé l’essentiel de son existence à Schaerbeek. L’athénée Fernand Blum semble lui coller à la peau. Il y fait ses études secondaires et y enseigne actuellement, vingt ans plus tard. Entre-temps, il a fait les philo-romanes à l’ULB.
C’est durant les humanités qu’il a manifesté les premiers signes de son intérêt pour l’écriture, au point que ses copains le considéraient comme un cas à part, un poète un rien bizarre. Il lança une revue, avec son copain Jacques Cels, qu’il poursuivra à l’unif : Cyclope. A 18 ans, il écrivit et publia son premier recueil pour lequel il obtint un prix de l’Académie royale de langue et de littérature françaises. Depuis, cet amour de l’écriture le poursuit et ne le quitte plus.
— L’écriture m’est venue à Fernand Blum. C’est mon prof, Jacques Crickillon, qui m’a donné ce goût. Puis j’ai fait la rencontre d’autres écrivains comme Thomas Owen (j’avais 17 ans) et Albert Ayguesparse, qui vient de mourir.
Frank Andriat est aujourd’hui un auteur résolument moderniste. Dédaignant le porte-plume et la machine à écrire, il utilise un PC portable qui ne le quitte pas, même dans son alcôve schaerbeekoise. Son métier d’écrivain est une activité intime plutôt que solitaire. Il aime discuter de ses œuvres lors de visites dans les écoles. Il prend ainsi du recul pour juger ses œuvres.
— Mon livre préféré, c’est celui que je n’ai pas encore écrit. Ou alors celui que je viens d’écrire. Bien sûr, il y a des œuvres que j’aime plus que d’autres comme le document que j’ai réalisé sur Jean-Jacques Goldman ou mon alphabet sur la démocratie. Peut-être parce que c’était des travaux collectifs que j’ai effectués avec mes élèves…
Dans son dernier roman, La remplaçante, il se met avec facilité dans la peau d’un de ses étudiants. Celui-ci doit endurer une épouvantable remplaçante de français qui déclenche en lui la révolte. C’est un plaidoyer pour une école plus humaine. Mais déjà, Frank Andriat pense à son prochain roman.
— Mon avenir littéraire ? De façon modeste, je le conçois en me donnant du plaisir à écrire et en le faisant communiquer. Pour écrire, je dois me mettre à l’abri, je m’isole. Ça mûrit longtemps et puis j’écris très vite. La remplaçante, je l’ai écrit en quinze jours…
François ROBERT, Le Soir, Bruxelles, 12 novembre 1996.