Perdre. Un balcon en forêt, mais sans Juliette
On connaît surtout Frank Andriat grâce au succès de ses nombreux romans pour adolescents. Avec Trois jours de pluie, il signe un récit de l’âge mûr : celui d’un homme que sa compagne abandonne, sans crier gare, après dix ans de vie commune. Réfugié dans le chalet forestier où ils ont vécu de nombreux moments, il tente, au cours de ces trois jours, de se remettre du choc qui l’a laissé groggy. Sujet éternel, mais qu’Andriat traite avec une justesse de ton et un don d’empathie qui rendent ce court roman à la fois attachant et «véridique».
On croit à ses remâchements abrupts et désordonnés où se mêlent l’invective et l’autocritique, le reproche et le regret, la rage d’être laissé pour compte et celle de n’avoir pas pu l’éviter. Celle, aussi, de n’avoir pas su déchiffrer les signes avant-coureurs ou, pis, d’avoir feint de les ignorer. On croit aux surgissements lancinants et désespérément frustrants de la mémoire du corps et du souvenir des jubilations érotiques exacerbées par l’accablement du nevermore. On reconnaît aussi la puérilité de certains comportements dont l’homme (le mâle) a le secret et dont les traits ridicules ou dérisoires sont gommés par le droit régalien que la déréliction lui octroie de s’attendrir sur lui-même. A cela s’ajoute une subtile référence à la mère qui, elle aussi, donne de l’épaisseur au désarroi psychologique du «héros».
Ghislain COTTON, Le Vif/L’Express, 22 décembre 2000.