Frank Andriat en toute générosité
Frank Andriat est un être généreux à la fois de cœur et d’écriture. Il est professeur de français dans un établissement de l’agglomération bruxelloise. Pour lui, pas question de dispenser avec hauteur un enseignement ex cathedra. Il est à l’écoute de ses élèves. Il a la religion du dialogue.
Excellente méthode s’il en fut, et combien enrichissante, non seulement pour les élèves qui sont à l’âge où l’on se cherche, mais aussi pour le prof qui ne cesse jamais de chercher. N’oublions pas que Bruxelles est un carrefour de cultures. S’y côtoient de très nombreux étrangers venus de pays divers, et notamment de ceux du Maghreb. Souvent, les immigrés de la première génération sont peu instruits, quand ils ne sont pas illettrés. Ils sont attachés à des traditions familiales, religieuses, sociologiques qui font contraste avec notre société de consommation et de liberté. Or, voilà que leurs enfants sont tenus de fréquenter l’école jusqu’à l’âge de 18 ans. Inévitables sont les conflits de générations. Ils se continuent avec certaines difficultés d’intégration. Le racisme est une généralisation pathologique qui naît de l’ignorance et de la peur.
L’exploiter est criminel. Mais essayer de le comprendre est utile. Une analyse rigoureuse faite dans un esprit d’ouverture est de nature à empêcher le développement de l’incompréhension entre les communautés.
Frank Andriat, qui est né en 1958, tire écriture de ses contacts quotidiens avec ses élèves venus d’horizons si différents. Il n’a pas seulement beaucoup de cœur. Il a aussi beaucoup de talent. En témoigne la variété des «angles d’attaque» qu’il utilise pour aller à la rencontre du phénomène humain qu’il a sous les yeux tout au long de l’année scolaire. Dans Journal de Jamila (1), il nous propose les confidences que se fait à elle-même, au jour le jour, une élève marocaine. Ce roman avait paru en 1986. Il connut un grand succès. Le voilà réédité.
Un autre roman s’enracine en profondeur dans ce que l’on pourrait appeler «le monde interethnique». Titre :Mes copains m’appellent Flash (2). Ce récit d’amour et d’adolescence est plein de finesse et de délicatesse.
Les mêmes qualités se retrouvent dans un roman qui va probablement plus loin dans l’analyse des sentiments. La narratrice répond au prénom de Matilda, lequel donne son titre à l’ouvrage (3). Elle est Mexicaine. Elle est éperdument amoureuse de son professeur de français qui est Belge. Nous avons affaire à un excellent intimisme. Plus grave encore, plus tourmenté, plus dramatique est le thème de L’enfant qui chante (4).
Rien d’étonnant qu’un homme tel que Frank Andriat s’intéresse au chanteur Jean-Jacques Goldman. La générosité n’appelle-t-elle pas la générosité ? Cette dernière est relatée en toute spontanéité dans un livre intitulé : «Jean-Jacques Goldman, il change la vie» (5). Il s’agit d’un ouvrage collectif. Comment cela ? Eh bien, onze élèves ont participé à une cordiale analyse des chansons de Goldman. Le résultat est surprenant ! Ajoutons que les droits d’auteur rapportés pour ce volume sont versés à «Médecins sans frontières».
Jean MERGEAI, Vers l’Avenir, 11 juillet 1994.
(1) Éditions Le Cri, à Bruxelles. (2) Éditions du Snark.
(3) Éditions Bernard Gilson.
(4) Même éditeur. (5) Éditions Pré aux Sources.