Des scarabés à Schaerbeek
Dédié à deux monuments de la littérature mondiale, Gabriel Garcia Marquez et Charles De Coster, le nouveau roman de Frank Andriat (connu surtout en littérature jeunesse) s’impose d’emblée comme un manifeste de «belgitude». À travers le portrait polyphonique d’une famille qui plonge ses racines entre la Belgique et l’Afrique, de l’époque coloniale à 2053, de Schaerbeek à Scarabé, petit village africain, le roman restitue l’âme d’un pays truculent. Au cœur du livre, un arbre à frites —une friterie construite dans un baobab— autour duquel se croisent des personnages hauts en couleur : un patron dénommé Baudouin-Léopold, une grand-mère centenaire et son petit-fils bruxellois qui découvre la terre de ses ancêtres.
Prénommé Tijl en souvenir de l’espiègle héros flamand de La légende d’Ulenspiegel, chef-d’œuvre de Charles De Coster (1867), son regard nous plonge dans les différentes mémoires d’une Belgique multiple. «Je riais aux larmes lorsque Désiré, mon grand-père, tentait de prononcer ce mot étrange à la manière des visages pâles : Scarbèqué, Scarbééqué. Après de longs débats, les anciens décidèrent qu’il serait plus simple de dire Scarabé.» Comment les légendes et la tradition orale façonnent-elles la mémoire d’un être ? C’est le mystère que restitue Frank Andriat dans une langue métissée et très vivante qui brasse l’histoire belge avec une aisance rare et nous restitue avec magie le pouvoir d’évocation des mots.
Juliette GOUDOT, Des scarabés à Schaerbeek, MOUSTIQUE, 11 janvier 2012.