Frank Andriat roule vers l’amour
Porté par un humour revigorant, Les mardis d’Averell Dubois suit pendant un demi-siècle un vendeur de Peugeot qui finit par trouver l’amour.
Il en est convaincu : le mardi est le pire jour de la semaine. C’est en effet un mardi que Joe, que tout le monde appelle Averell, car il ressemble davantage au plus grand des Dalton qu’au petit teigneux, s’est cogné à Bill Babeler en voulant éviter une déjection canine sur le trottoir. En ce 22 juillet 1969, le lendemain du premier pas sur la Lune, le petit garçon de 12 ans est bien loin de s’imaginer que sa route ne cessera de croiser ce butor mal embouché, personnage néfaste et sadique aussi bête que méchant. « C’est une sorte de petit Trump, commente l’auteur. Il ne voit le monde qu’en fonction de lui et n’existe qu’en écrasant les autres. »
Cette rencontre malencontreuse est le point de départ de nouveau roman cocasse de l’écrivain belge Frank Andriat. C’est en effet sur le ton de l’humour que l’auteur du Bonheur est une valise légère va suivre pendant cinq décennies son personnage, grande bringue profondément gentille et sympathique, mais à la répartie pouvant être mordante. Fasciné par la généreuse poitrine de sa voisine exhibée sur fond de tubes de Genesis, cet enfant unique traverse de manière chaotique son adolescence, avant de trouver du travail chez un concessionnaire Peugeot à soixante kilomètres de son village picard. Sous les hauts cris de sa mère « à l’affection pâtissière », furieuse de voir son ingrat de fils de 23 ans la quitter, et que son père, plus philosophe, tente de calmer.
« Je voulais raconter un roman humoristique, se souvient Frank Andriat. Pourquoi un mardi ? Je n’en ai plus la moindre idée. » Une fois retenu le deuxième jour de la semaine, il a cherché ceux qui étaient dignes d’être retenus, entre le début des années 1970 et le début du XXIe siècle. Des naissances de Marion Cotillard et de Stromae à la mort de Tex Avery, en passant par la victoire de Cassius Clay sur Joe Frazier, la réunification du Yémen ou les attentats du 11 septembre 2001. Ces événements acquièrent une importance plus ou moins grande dans la vie d’Averell, en rattachant certains épisodes à l’actualité. Une existence égale ment scandée par l’évolution des modèles Peugeot.
Les mardis d’Averell Dubois raconte le chemin d’un homme bon et généreux vers la félicité qu’il va connaître grâce à une Gracieux-Berluronne (une habitante de la commune de Grâce-Berleur, dans la périphérie liégeoise). Donc une Belge, ce qui laisse sa mère interloquée. On retrouve ici, une fois encore, l’optimisme de l’écrivain prolifique. « Parler d’amour à notre époque me semble important, explique-t-il. Écrire est, pour moi, un moment de bonheur et de partage, et j’ai envie de partager ce bonheur. J’aime faire du bien à mes lecteurs. Je montre le côté lumineux des choses, sans nier les difficultés de l’existence. »
Au fil de ses livres, Frank Andriat navigue avec une égale réussite entre ses romans pour adolescents et adultes. « Au niveau de l’écriture, c’est la même chose, je la travaille avec la même attention. Les différences, ce sont l’âge du héros et la thématique qui doit le concerner. » Pour preuve, son dernier et remarquable roman pour ados, Rumeurs tu meurs (Mijade), où il est question du harcèlement sur les réseaux sociaux (voir nos éditions du 3 octobre dernier).
Michel Paquot, L’Avenir, 6 novembre 2020.
Frank Andriat, Les mardis d’Averell Dubois, Genèse, 225 p.