Portrait de l’auteur Frank Andriat
Des milliers de pages de gentillesse
À 63 ans, Frank Andriat est un auteur prolifique. Il enchaîne les publications comme il enchaîne les rencontres et les petits moments de partage. Que ce soit dans les romans ou dans la vie, il fait de « l’autre » son personnage central.
« Brontosaure et écolo », c’est ainsi que se définit Frank Andriat, Bruxellois d’origine. Les rencontres en visioconférence, très peu pour lui. Son ordinateur, il ne s’en sert qu’en tant que machine à écrire. Il accepte donc de nous rencontrer entre deux trains pour une promenade au cœur d’Ixelles.
Auteur de plus d’une centaine de livres, ce philologue de formation et professeur de français à la retraite, s’épanouit depuis de nombreuses années dans l’écriture de romans, nouvelles, recueils de poésie et essais. Son public de prédilection : les ados. Le Journal de Jamila, La remplaçante, Je t’enverrai des fleurs de Damas, pour n’en citer que quelques-uns : il y a de fortes chances que l’un des écrits de Frank Andriat soit tombé entre les mains de ceux qui ont côtoyé les bancs de l’école à partir de la fin des années 80.
C’est à l’âge de 13 ans que Frank Andriat écrit ses premières lignes. Un enfant timide qui cherche un moyen de s’exprimer en couchant les mots sur le papier. Celui qui l’a encouragé à poursuivre, c’est l’auteur belge Jacques Crickillon qui était son enseignant à l’athénée communal Fernand Blum. « C’est un prof à qui j’ai montré mes petits poèmes un peu nuls. Cet homme aurait pu me casser en me disant la poubelle est là. Il ne l’a pas fait. »
Tiens, une pensée qu’il attrape à la volée : il se remémore une citation lue un jour sur une carte postale « Il faut regarder l’autre en beau pour lui donner envie de l’être ». C’est quelque chose qu’il a toujours essayé d’appliquer avec ses propres élèves.
Plus qu’un bisounours
« Ce qui me surprend à chaque fois chez Frank, c’est sa capacité à mettre son interlocuteur tout de suite à l’aise.», confie son éditeur chez Mijade, Antoine Labye. L’écrivain surprend encore lorsqu’on lui demande quelles sont ses passions en dehors de l’écriture : « Je crois que la première passion, c’est l’être humain, et essayer de mettre de l’humain à travers les livres. »
Certains peuvent le définir comme un bisounours, son ami et éditeur chez Ker Editions, Xavier Vanvaerenbergh, le définit plutôt comme quelqu’un de profondément et sincèrement gentil : « La gentillesse chez Frank c’est une qualité qui est sous-estimée par énormément de gens qui peuvent peut-être le regarder de haut ou le négliger. En réalité, c’est quelqu’un d’infiniment plus riche que ce qu’on lui prête. »
À présent, assis sur un muret en béton, à côté de l’auditorium Paul-Emile Janson, faute de mieux pour s’asseoir, il regarde les allées et venues des passants. « Il y avait des bancs à l’époque ici ». C’est à l’ULB que Frank Andriat a étudié la philologie romane. Il n’est pas issu d’une famille d’écrivains, mais sa famille lui a toujours laissé le choix de faire ce qu’il voulait de sa vie.
Il arrive sans mal à structurer sa journée entre les moments dédiés à l’écriture et ceux dédiés aux siens. « Je suis quelqu’un de très organisé. Je sors de la réalité de 8h30 du matin à 12h30 et après j’y reviens ». Un simple « à table ! » de sa compagne suffit pour l’extirper du « monde des rêves ».
Les jeunes comme inspiration
Un petit coup d’œil sur le téléphone pour regarder l’heure. « C’est que je prends plaisir à parler ». Il est attendu l’après-midi dans une école d’Ixelles pour rencontrer de jeunes lecteurs. Ayant dû réduire les rencontres depuis mars 2020 et l’annonce du premier confinement, il revient petit à petit dans les salles de classe. À son grand plaisir : « Ce sont des réactions en vrai et puis il y a cette ambiance d’école. J’ai quand même été prof pendant 36 ans. »
Pouvoir échanger avec les jeunes, c’est précieux puisqu’ils sont source d’inspiration aussi. En septembre dernier, il a sorti le roman Rumeurs, tu meurs ! sur la thématique du harcèlement sur les réseaux sociaux, à la demande des élèves eux-mêmes. Ce roman ne serait jamais paru sans ces discussions avec les jeunes.
Il raconte aussi que le livre a provoqué un déclic chez une élève victime de harcèlement scolaire. « Elle avait besoin d’en parler et peut-être que sans le livre, elle ne l’aurait pas fait. » Pour lui, c’est ainsi que la littérature prend du sens : « On n’écrit pas que pour soi, on écrit aussi pour les autres. Et puis, je me dis que si ça peut faire du bien, tant mieux, tout en ne faisant pas l’économie de sujets difficiles. Mais si une solution est apportée dans le livre, peut-être que ça va apporter une piste dans la vie. »
Pauline Denys
5 mars 2021
Article rédigé dans le cadre du master en journalisme de l’ULB.