Publié en 1999, traduit en néerlandais, L’amour à boire a connu de nombreux retirages et est un des romans de l’auteur les plus lus dans les écoles. Il constitue une version complètement remaniée et augmentée de Mes copains m’appellent Flash, roman publié en 1992 et épuisé aujourd’hui.
Le sujet
Émile, alias Tchap, aime porter des chapeaux. Il vit dans une rue populaire d’une grande ville, pas très loin de chez Abdennasser, son pote. Quand il tombe follement amoureux de la belle et prétentieuse Adeline, il ne se doute pas qu’il se lance dans une aventure trépidante qui le conduira jusqu’à la Mer du Nord et qui lui apprendra mieux qui il est vraiment.
Une leçon de vie pleine d’humour et de dégâts écrite à la deuxième personne du singulier. Ce roman permet aux adolescents de discuter de leurs amours et du problème des jeunes fugueurs. Ce livre est utilisé dans les classes à partir de la 1ère année du cycle secondaire (6ème en France).
Aujourd’hui, Adeline porte une jupe bleu vert. Comme la mer. Quand elle avance, sur le tissu, se dessinent des vagues. Ton désir est un peu comme l’écume qui caresse le sable. A-t-elle remarqué ta présence ? Se doute-t-elle que c’est pour elle que tu es là ? Tu frissonnes. Ton ventre se crispe et, dans tes baskets, tes orteils sont recroquevillés comme lorsque tu mets le pied dans l’eau et que tu le récupères en vitesse parce qu’elle est trop froide. Il faut que tu te décides. Tout à l’heure, à la fin des cours, tu l’attendras, tu prendras le bus avec elle et tu sauras ainsi où elle habite. Ton chapeau rouge te portera-t-il chance ? S’il te voyait dans cet état, Abdennasser rirait.
Voilà. Tu oses. Tu suis la danse de ses fesses jusqu’à l’arrêt du bus. Tu marches à une dizaine de pas d’elle. Sûr, elle t’a vu et, pourtant, elle fait comme si tu n’existais pas. L’indifférence meurtrière. D’un pas rapide, elle atteint l’arrêt de bus où elle retrouve d’autres élèves du lycée. Tu admires son profil et, en toi, tout se mélange une nouvelle fois. Soudain, elle tourne la tête, te jette un coup d’oeil rapide. Évidemment, elle t’a pris au dépourvu : tu étais en train d’enfoncer ton chapeau qu’un coup de vent traître tentait de t’enlever. Elle a un regard amusé. Tu voudrais tellement réagir, mais tu restes là, les yeux fixés sur elle, pendant qu’elle se détourne. Un bus arrive; ça ne semble pas être le bon. Tu attends à quelques mètres d’elle. Au moment où le conducteur va fermer les portes, elle saute dedans et te laisse pantois sur le trottoir.
— Merde ! lances-tu furieux et tu attires sur toi le regard courroucé d’une vieille dame qui, évidemment, doit se dire que la jeunesse n’est plus ce qu’elle était.
Sur le chemin de la maison, tu rencontres Saïda. Elle t’adresse son plus beau sourire. Ses dents blanches tracent un croissant de lumière sur sa peau mate et cuivrée. Tu oublies Adeline pendant quelques secondes. Saïda vient d’avoir quatorze ans.
extrait de L’amour à boire, © Éditions Labor, 1999.