Deuxième titre de l’auteur chez Grasset-Jeunesse dans lequel on retrouve plusieurs personnages des romans précédents : Raphaël, monsieur Bonheur… Frank Andriat parle ici des jeunes qui «dérapent» et qui perdent leurs repères.
Le sujet
Parce qu’il se sentait trop seul, parce qu’il ne réussissait pas à trouver une vraie joie de vivre, Dan a inventé Stany. Au début, celui-ci lui a permis de vivre en rêve tout ce qu’il n’arrivait à réaliser dans son quotidien, mais, à seize ans, cette double vie intérieure l’a conduit en institut psychiatrique, où, accompagné du «docteur castor», son psy, et de «mamzelle Deo», son infirmière de référence, Dan va tenter de retrouver le réel. Entre la jolie mais instable Caroline et les jeunes en déroute qu’il côtoie, Dan va apprendre qu’il ne peut compter que sur lui.
Ce roman est utilisé dans les classes à partir de la 3ème année du cycle secondaire (4ème en France).
Je me suis éveillé au milieu de la nuit avec un mal au crâne abominable. Je me suis demandé ce que je fichais dans mon lit. Black-out total. Je ne me souvenais de rien. Avez-vous drogué le lait que je bois avant de m’endormir, docteur sorcier ? A côté de moi, mon voisin de chambre était roulé en boule dans ses draps et, bizarrement, ne ronflait pas. Je l’ai appelé tout bas «Marc, Marc, tu dors ?»; il a bougé un peu et m’a répondu «Oui». Tout semblait donc normal de son côté. Je n’allais pas l’éveiller pour lui demander comment j’étais arrivé ici. J’ai sonné l’infirmière. La nuit de Dorinda; j’avais de la chance. Elle est entrée dans la chambre un peu bruyamment. Je lui ai demandé de faire plus doucement; il ne fallait pas qu’elle réveille Marc. «C’est vrai, a-t-il dit, merci.» Dorinda a eu un sursaut, mais j’ai mis un doigt sur mes lèvres. Elle a haussé les épaules et s’est approchée de mon lit. Je lui ai proposé d’aller dans le couloir; je me sentais franchement vaseux, il fallait que je bouge.
pp.65-66
«N’oublie pas que tu as un rendez-vous avec le docteur dans une demi-heure, Dan!» Et moi qui émergeais ! Vous parler encore, docteur misère ! De quoi ? J’avais juste envie de me remettre dans mes draps, de m’y blottir et d’attendre la fin de la journée en évitant bien qu’il se passe quoi que ce soit dans ma vie pourrie. Impossible, n’est-ce pas ? Il n’est pas prévu dans votre sacro-saint règlement de glander grave. L’important, c’est la structure, docteur tyran. L’important est de retrouver des bases pour s’insérer à nouveau dans la vie régulière. ET POURQUOI DONC DEVRAIS-JE PARTICIPER À LA CONNERIE QUI FAIT TOURNER LA TERRE À L’ENVERS ? M’insérer dans la vaste chiennerie qui nous transforme en zombies du pouvoir ? Est-ce donc à ça que sert votre clinique, docteur big brother? A nous ramener dans la voie, à faire de nous des moutons qui répondent beeh oui, beeh non quand les maîtres du monde le désirent? Aller assassiner le peuple irakien au nom de la liberté et de la démocratie ? Beeh oui, m’sieur. Presser la planète comme un citron pour en tirer le plus de profit possible ? Beeh oui, m’sieur. Défendre les idées des altermondialistes et créer un monde plus solidaire ? Beeh non, m’sieur, ça ralentit la course aux dollars. Laisser crever l’Afrique et la piller ? Beeh oui, m’sieur. Aider les pauvres, soulager la misère dans le Tiers-Monde, assurer des soins de santé et un accès à l’eau potable au plus grand nombre possible ? Beeh non, beeh non, m’sieur! Et vous voudriez que je m’insère dans un univers aussi glauque, docteur vautour ! Vous voudriez que je vocifère avec les néo-nazis comme le vendeur de clous, que je participe à la destruction de l’humain partout où il existe encore ? Non, docteur colère, non ! Je ne m’insérerai pas dans ce monde-là. Inventez-en moi un autre !